jeudi 20 décembre 2012

Série Poésie chinoise: 枫桥夜泊



Ceci est un des poèmes que j'aime beaucoup, du poète Zhang Ji de la dynastie Tang. 

Trois lieux cités: 
- 枫桥 Fengqiao: Pont d’Érable
- 姑苏 Gusu: l'ancien nom de la ville Suzhou 苏州
- 寒山寺 Hanshansi: Temple de Montagne Froide

Nous voyons que, notamment par le Pont d’Érable et le temple de Montagne Froide, que les noms de lieu font partie intégrale de la poésie, et de l'ambiance de ce poème. 

Je propose une traduction mot-à-mot :

月落/乌啼/霜满天
lune - tomber; se coucher - corbeau - crier; chanter - gelée blanche - plein - ciel
江枫/渔火/对愁眠
rivière - érable - pêche; pêcher - feu - face à - mélancolie - dormir
姑苏/城外/寒山寺
Gusu - ville - extérieur - temple de Montagne Froide
夜半/钟声/到客船
nuit - demi - cloche - arriver - bateaux (pour les passagers)

Comme ce que j'ai marqué avec les "/", les vers se lisent: 2 / 2 / 3 (le chiffre signifie le nombre de syllabes donc de caractères). Le lecteur peut faire une petite pause là où il y a un "/", en prolongeant la dernière voyelle à sa guise, pour mieux savourer la sonorité.

Je ne vais pas traduire le texte, puisque la compréhension de la poésie classique chinoise - courte et concise - est une interprétation personnelle et subjective. Il faut donc être prudent quand on veut imposer une "traduction". Je vais juste raconter, vers la fin, avec mes propres mots le paysage que j'imagine à travers ces quatre vers. La traduction m'est faible  aussi, si on en dépend pour saisir le sens et ressentir l'émotion. 

De surcroît, dans la traduction, la sonorité du texte source se perd entièrement, alors qu'elle est pour moi une partie très importante de la beauté de la poésie. Je pense que c'est en raison du lien entre un son et une image, par exemple, entre le son "yuè" et la lune. Dans la langue chinoise, il y a, d'une part, le lien entre le signe "月" et la lune, d'une autre part, le lien entre le son "yuè" et la lune. La source complète du message est: "月" - "yuè" - lune.

Un poème classique, souvent, peint un paysage, une ambiance, un sentiment, et c'est tout. Il y a rarement un "moral". Le poème situe l'homme dans la nature et interprète un lien entre l'homme et la nature. L'ambiance de ce poème est proche d'un autre: "秋思 (mélancolie d'automne)" dont j'ai parlé dans mon blog. Il y a dans ces deux poèmes un homme seul et loin des siens, un paysage froid et plutôt pesant qui traduit les sentiments de la personne. 

La lune se couche,
Les corbeaux crient (ou: le corbeau crie),
La gelée blanche tombe.
Je m'héberge dans la barque,
Sur la rivière sous le Pont d’Érable,
Cherchant le sommeil malgré la mélancolie et la solitude,
Avec quelques feux des pêcheurs, ici là-bas,
Qui me tiennent compagnie.
La cloche du temple de Montagne Froide sonne mi-nuit,
Un bateau, à ce moment, s'embarque.
(Il y a donc un autre homme qui, comme moi, 
Dans cette nuit froide,
Ne se trouve pas dans le lit de chez soi et auprès des siens?)

Je pense être en train de traduire une légère tristesse alors que le poète pourrait aussi savourer, secoué par le bateau, cet isolement, cette nuit fraîche, la clarté de lune, le son de la cloche, .... Qui sait? 




3 commentaires:

  1. Beau travail qui me sert bien pour la compréhension d'un reportage, merci !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. 不客气!
      我看到您是做音乐工作的,在台湾生活。
      您说的 reportage是关于什么的?(si ce n'est pas indiscret)

      Supprimer
  2. C'est vrai. Les poèmes chinois sont susceptibles de plusieurs interprétations. Ça, c'est le charme.

    RépondreSupprimer