vendredi 28 décembre 2012

Interculturel: Chrysanthèmes 菊花


En regardant les tableaux au musée d'Orsay, j'ai eu bien envie de peindre, dont le résultat fut ce pot de chrysanthèmes. Mais il est rare qu'ils soient peints en Occident. Cette fleur, on la trouve peut-être dans des boutiques spécialisées en objets funéraires. Les chrysanthèmes n'ont pas de chance en Occident car ils sont destinés aux défunts alors qu'en Chine c'est une fleur qu'on aime bien; ils symbolisent la longévité même, donc on les offre souvent aux personnes âgées (bien vivantes!). 

[Note: le chrysanthème est un des quatre "princes (plantes dignes)", parmi l'orchidée 兰 est le symbole du printemps; le bambou 竹 est le symbole de l'été; le chrysanthème 菊 est le symbole de l'automne; le prunier en fleurs 梅 est le symbole de l'hiver.]

Mais avec la mondialisation et le métissage culturel, de plus en plus de Chinois, dont moi-même, connaissent le "triste" sort des chrysanthèmes en Occident. Du coup, ils n'osent plus les offrir. Le jour où une grande partie de Chinois seront au courant de cela, il ne serait plus possible d'admirer, avec joie, cette fleur qui s'épanouit en automne et donne de grands flocons éclatants....

En Chine, admirer les chrysanthèmes est une des activités plaisantes en saison d'automne. En automne et en hiver la nature se décline pour revivre à l'arrivée du printemps, donc les rares fleurs sont précieuses et favorites. Pour revenir à son symbole de longévité, il est dans les coutumes de voir des chrysanthèmes à la fête de 重阳节 (Chong Yang Jie, le 9 septembre du calendrier lunaire / agricole), qui est la "fête des personnes âgées". Dans le film "La Cité Interdite", à un moment le palais impérial était décoré par des milliers de pots de chrysanthèmes à l'occasion de cette fête.

C'est une des plantes populaires en Chine (et certains autres pays asiatiques) et "exotiques" en Occident, parmi les jasmins, les bambous, les orchidées, etc. La famille de chrysanthèmes contient des races, des couleurs et des tailles très variées alors qu'en France on voit plutôt, chez les fleuristes près des cimetières, des pots à petits flocons qui sont peut-être des marguerites (雏菊 Chu Ju, une des variétés des chrysanthèmes). Ces fleurs font partie des sujets préférés de la poésie et la peinture, notamment si la saison d'automne est représentée.

Pour conclure, j'emprunte cette phrase trouvée sur le web: Le fait d'associer une chose à une autre crée des associations qui en déforment la perception...

C'est aussi ce que je voulais dire! Cela déforme, et aussi bloque, la perception. Et c'est bien dommage. Ce que je veux dire dans le cas de chrysanthèmes, parce qu'on les associe aux tombes, on leur impose cette connotation, les bloque dans cette connotation. 






jeudi 20 décembre 2012

Série Poésie chinoise: 枫桥夜泊



Ceci est un des poèmes que j'aime beaucoup, du poète Zhang Ji de la dynastie Tang. 

Trois lieux cités: 
- 枫桥 Fengqiao: Pont d’Érable
- 姑苏 Gusu: l'ancien nom de la ville Suzhou 苏州
- 寒山寺 Hanshansi: Temple de Montagne Froide

Nous voyons que, notamment par le Pont d’Érable et le temple de Montagne Froide, que les noms de lieu font partie intégrale de la poésie, et de l'ambiance de ce poème. 

Je propose une traduction mot-à-mot :

月落/乌啼/霜满天
lune - tomber; se coucher - corbeau - crier; chanter - gelée blanche - plein - ciel
江枫/渔火/对愁眠
rivière - érable - pêche; pêcher - feu - face à - mélancolie - dormir
姑苏/城外/寒山寺
Gusu - ville - extérieur - temple de Montagne Froide
夜半/钟声/到客船
nuit - demi - cloche - arriver - bateaux (pour les passagers)

Comme ce que j'ai marqué avec les "/", les vers se lisent: 2 / 2 / 3 (le chiffre signifie le nombre de syllabes donc de caractères). Le lecteur peut faire une petite pause là où il y a un "/", en prolongeant la dernière voyelle à sa guise, pour mieux savourer la sonorité.

Je ne vais pas traduire le texte, puisque la compréhension de la poésie classique chinoise - courte et concise - est une interprétation personnelle et subjective. Il faut donc être prudent quand on veut imposer une "traduction". Je vais juste raconter, vers la fin, avec mes propres mots le paysage que j'imagine à travers ces quatre vers. La traduction m'est faible  aussi, si on en dépend pour saisir le sens et ressentir l'émotion. 

De surcroît, dans la traduction, la sonorité du texte source se perd entièrement, alors qu'elle est pour moi une partie très importante de la beauté de la poésie. Je pense que c'est en raison du lien entre un son et une image, par exemple, entre le son "yuè" et la lune. Dans la langue chinoise, il y a, d'une part, le lien entre le signe "月" et la lune, d'une autre part, le lien entre le son "yuè" et la lune. La source complète du message est: "月" - "yuè" - lune.

Un poème classique, souvent, peint un paysage, une ambiance, un sentiment, et c'est tout. Il y a rarement un "moral". Le poème situe l'homme dans la nature et interprète un lien entre l'homme et la nature. L'ambiance de ce poème est proche d'un autre: "秋思 (mélancolie d'automne)" dont j'ai parlé dans mon blog. Il y a dans ces deux poèmes un homme seul et loin des siens, un paysage froid et plutôt pesant qui traduit les sentiments de la personne. 

La lune se couche,
Les corbeaux crient (ou: le corbeau crie),
La gelée blanche tombe.
Je m'héberge dans la barque,
Sur la rivière sous le Pont d’Érable,
Cherchant le sommeil malgré la mélancolie et la solitude,
Avec quelques feux des pêcheurs, ici là-bas,
Qui me tiennent compagnie.
La cloche du temple de Montagne Froide sonne mi-nuit,
Un bateau, à ce moment, s'embarque.
(Il y a donc un autre homme qui, comme moi, 
Dans cette nuit froide,
Ne se trouve pas dans le lit de chez soi et auprès des siens?)

Je pense être en train de traduire une légère tristesse alors que le poète pourrait aussi savourer, secoué par le bateau, cet isolement, cette nuit fraîche, la clarté de lune, le son de la cloche, .... Qui sait? 




mardi 27 novembre 2012

"Porte-bonheur"


Pourquoi ils portent bonheur?

Pourquoi certains fruits et animaux sont les porte-bonheur pour les Chinois? C’est souvent en raison de leur prononciation ….

1. Pour le mariage, les fruits: jujubes rouges (红枣 hong2 zao3); arachides (花生hua1 sheng1); 桂圆 gui4 yuan2; grains de lotus 莲子 (lian2 zi3) sont symboliques, car "枣zao3 – 生sheng1 – 桂 gui4 – 子zi3" donnent : 早生贵子 (tôt – avoir – précieux – fils), puisque la naissance d'un fils est pour les Chinois l'évènement particulièrement important et un accomplissement fondamental dans la vie.


2. L’oiseau le plus propice pour les Chinois n’est pas aussi chouchouté dans d’autres pays, me semble-t-il: la pie;
喜鹊 (xi3 que4: joie – oiseau) en chinois, puisqu’il y a le xi 喜(joie) dans le nom (mais du coup je me pose la question: Ne le considère-t-on d'abord comme un oiseau porte-bonheur et ensuite le nomme "joie - oiseau"?).

Le matin, si on entend une pie, on est de bonne humeur, se demandant: quel bonheur va m’arriver aujourd’hui? Et si par hasard, les personnes bienvenues rendent visite à l’improviste, on leur dit: ah! c’est pour ça que j’ai entendu la pie ce matin! 

Un tableau où trouvent deux xique symbolise 双喜临门 (shuang1 xi3 lin2 men2: le double bonheur arrive à la maison).


3. Même les chauve-souris sont curieusement un bon signe! Tout simplement parce que ça se dit 蝙蝠 bian1 fu2 en chinois, dont le second caractère a la même prononciation que 福 (bonheur) – le signe le plus aimé des Chinois.

4. Les poissons!

Parce que, 鱼 se prononce yu2, comme 余 – le reste; la conserve, qui fait penser qu’il va rester toujours de la richesse, du bonheur, de la nourriture.

Dans l'image suivante se trouvent deux carpes : 鲤鱼 (li3 yu2) –> 鲤鱼跳龙门 (la carpe saute à travers la Porte de Dragon): symboliser une grande montée en grade sociale. Peut-être une fois avoir traversé la Porte de Dragon, une carpe ordinaire se transformerait en dragon puissant.


poisson & lotus:
鱼 & 莲 (yu2 & lian2) –> 连年有余 (lian2 nian2 you3 yu2):
continu; ininterrompu – année – avoir – reste; conserve
–> Que la richesse et le bonheur traversent les ans.


En général, à un repas important, par exemple celui d’un mariage, le poisson doit être le dernire plat servi. Comme ça, bien que le festin, hélas, se termine, le bonheur va toujours être retenu.
Pour la pratique, si le poisson arrive à table, sachez que c'est souvent le dernier plat du repas!

5. Les mandarines. A Canton, autour du nouvel an, on voit que chez tout le monde il y a un mandarinier cultivé dans un pot, dont la couleur dorée ajoute de la joie à l'ambiance de la fête. Pourquoi il en faut chez tout le monde, ce n’est pas pour les manger (ce n’est pas bon à manger, ces petites mandarines jolies à regarder!), mais parce que:
Mandarine se dit 橘子 (jü2 zi), dont le jü2 est similaire à ji2 吉(propice; bon signe).



Et …. y a-t-il d’autres bons signes pour les Chinois? Je pense que oui mais je clos ma petite présentation.


Et …. quelques questions qui me viennent à l'esprit en parlant de ce sujet:

- J’entend rarement parler des porte-bonheur en France, à part la feuille de trèfle à quatre flocons. 

- Pourquoi les Chinois s'acharnent aux objets porte-bonheur? Est-ce une population qui a l'habitude et a besoin de se consoler, de voir du positif dans quelque chose (en attribuant du positif à cette chose)?

- Et, est-ce que les porte-bonheur portent bonheur?  (pourquoi pas, il faut juste y croire pour se trouver de l'optimisme ….  )

lundi 19 novembre 2012

Série communication interculturelle: "Je t'aime"



"Je t'aime / I love you / 我爱你 / ...", une petite formule sacrée qui inonde les chansons et les poèmes de toute langue. Cette phrase de trois syllabes, ni plus ni moins, personne (enfin, presque) n'est capable de la prononcer sans que ce soit effectif et sans que cela sorte du fond du coeur. 

Pourtant, beaucoup de Chinois ne ressentent ni le besoin ni l'envie de le dire. On peut être forcé à dire cette phrase parce que l'autre personne a absolument besoin de l'entendre. A ce moment, on cherche le courage pour le prononcer alors que ce n'est vraiment pas naturel. 

La plupart de couples chinois, excepté l'influence de l'occidentalisation (notre langage est de plus en plus universalisé), ne se sont jamais dit cela et ça ne les empêche pas de s'aimer et d'avoir une relation amoureuse et conjugale harmonieuse. On l'écrit peut-être plus facilement que de le dire. Une personne pourrait exiger que l'autre le lui dise si elle est.... peu rassurée. Sinon, pas besoin de le dire ni de l'entendre. D'autres expressions, verbales ou non verbales, valent plus. 

C'est l'INTENTION et les actions engendrées par cette intention qui comptent et qui valent mieux. L'intention s'exprime et se fait trahir par tous les canaux: le regard ("眼睛是心灵的窗户 Les yeux sont la fenêtre du coeur"); la voix; tout ce qu'on dit (autre que "je t'aime"); toute action. Si tu me dis "je t'aime" alors que je n'arrive pas à capter une attention et une affection particulièrement fortes de ta part, ta petite phrase n'est pas justifiée et elle est dévalorisée; si, au contraire, je capte l'attention et l'affection et j'en suis sûre, ça me suffit et ça me paraît clair sans la petite phrase. C'est pour expliquer plus concrètement pourquoi "pas besoin" de la phrase.

Comparé avec l'Intention et les Actions, dire une formule toute faite paraît superficielle, légère, voire vide. Les Chinois recherchent une expression de sentiments et d'émotions dite "含蓄 (voilée; discrète; indirecte; cachée)". La poésie classique interprète la joie, la mélancolie, la solitude, l'amour, sans faire paraître ces termes. On parle du ciel, des feuilles, de l'eau, des oies sauvages, des montagnes, de la lune: les lecteurs en lisent le sentiment et l'émotion.

Cet aspect ne concerne pas que l'expression d'amour, mais d'émotion et de sentiment en général, comme la reconnaissance, la joie, la colère, etc. Cela explique pourquoi les Chinois sont souvent accusés de ne pas montrer clairement leur pensée et leur émotion.

Cela dit, si la bonne personne - si elle est de culture dite occidentale - me souffle la petite phrase, je ressens   tout le sens et toute la valeur que la phrase mérite... Il ne faut donc pas s'inquiéter pour cela ;-) J'ai compris et je reconnais la différence culturelle dans l'expression de sentiments.

Le problème est que, la bonne personne aurait besoin de l'entendre aussi....alors que comme ce que j'ai essayé d'expliquer, pour moi (je dis "moi" mais c'est à généraliser) ça ne va pas de soi et ce n'est pas naturel. C'est presque une phrase... forcée et donc involontaire.

Il faut raisonner la personne pour qu'elle n'hésite pas à le dire mais sans exiger le retour? C'est à la personne occidentale de dire si c'est acceptable car moi j'ai du mal à me mettre à sa place.

De ma part, je peux aimer le fromage ou un steak bien saignant, mais pour ça, c'est plus fort que moi et je ne peux pas me transformer en quelqu'un d'autre que moi-même.

L'harmonie est à trouver et à bâtir. Le feed-back et les témoignages sont les bienvenus.

mercredi 11 juillet 2012

Le visage d'un bouddha


Ce que je vois sur le visage d'un bouddha:

Il a les yeux baissés vers soi. Il y a une phrase "眼观鼻,鼻观心 (Les yeux regardent le nez et le nez regarde le coeur)" pour décrire le regard du bouddha. C'est un repli, une méditation, une réflexion, une recherche en soi.

Ce regard me dit aussi qu'il ne cherche rien d'extérieur (de matériel), il demande peu, il a besoin de peu.

Les coins des lèvres vont légèrement vers le haut. Le visage est légèrement souriant. C'est la joie de la vie et du monde; un contentement naturel sans avoir besoin de grand chose; la tolérance; être dérangé de rien.

En un mot, être zen.


dimanche 24 juin 2012

Série Poésie chinoise: Un court poème "秋思 mélancolie d'automne"

(元)马致远,“天静沙—秋思 (Mélancolie d'automne)”

枯藤老树昏鸦,kū-téng lǎo-shù hūn-
小桥流水人家,xiǎo-qiáo liú-shuǐ rén-jiā
古道西风瘦马。gǔ-dào xī-fēng shòu-
夕阳西下,        xī-yáng xī-xià
断肠人在天涯。duàn-cháng-rén zài-tiān-

Analyse sans traduction:

Ce court poème regroupe tous ces éléments qui font ressortir et remplissent l'ambiance: Rotin 藤; arbre 树; corbeaux 鸦; pont 桥; eau 水; foyers 人家; route 道; vent 风; cheval 马; soleil couchant 夕阳; homme 人(qui est le sujet de l'ambiance et de la nostalgie mais ne vient qu'à la fin du poème)

La solitude, l'isolement et la mélancolie profondément ressentis par un homme seul sont impliqués implicitement par "rotin secs", "vieil arbre", "corbeaux sombres", .... "cheval maigre", "soleil couchant", etc.

Ce poème apporte devant nous trois tableaux: 1er - un tableau sombre constitué de rotins secs, vieil arbre et corbeaux noirs; 2e - un tableau plus heureux constitué d'un petit pont, du ruisseau et des foyers au bord; 3e - l'homme, lointain de chez lui, traîne son cheval fatigué à la tombée de la nuit. Le village et les foyers qu'il voit renforceraient son sentiment de solitude et sa pensée pour les siens....

Pour la sonorité qui est un élément indispensable à la beauté poétique, chaque vers finit par "a"; le petit poème est rythmé et rimé. 






Je n'ai pas réussi à insérer mon enregistrement (je me suis enregistrée) mais il est disponible ici: https://docs.google.com/file/d/0B32p8fvPTrCrLWJWQjlBM1ZIZXc/edit

dimanche 15 avril 2012

Série Poésie chinoise: 一剪梅(李清照)

一剪梅 (李清照)


红藕香残玉簟秋。

轻解罗裳,独上兰舟。

云中谁寄锦书来?

雁字回时,月满西楼。

花自飘零水自流。

一种相思,两处闲愁。

此情无计可消除,

才下眉头,却上心头。


Brève présentation de la poétesse

李清照:1084~?,南宋女词人。号易安居士,齐州章丘(今山东)人。父李格非为当时著名学者,夫赵明诚为金石考据家。早期生活优裕,与赵明诚共同致力于书画金 石搜集整理。金兵入据中原,流寓南方,明诚病死,境遇孤苦。所作词,前期多反映其悠闲生活,后期多悲叹身世,情调感伤.
[LI Qingzhao : née en 1084, morte en ?, poétesse de Song du Sud. Son surnom c’est « locataire de Yi’an », de Zhangqiu (Shandong d’aujourd’hui). Son père GeFei était un grand intellectuel ; son mari était un chercheur en pierres précieuses. Au cours de la jeunesse, elle menait une vie aisée, aidait son mari ZHAO Mingcheng a travailler sur les pierres et des œuvres de calligraphie et de peinture. Dès l’envahissement de Jin, le couple a vagabondé dans le sud ; le mari est mort de maladie ; elle a commencé une vie solitaire et triste. Le style de ses poèmes a eu deux périodes : 1èrepériode – une vie oisive ; 2ème période – la mélancolie.]


Brève présentation du contexte du poème

这是作者思念其丈夫而不可排遣之情的诗篇。 写于丈夫处出远游游学之时.
[La poétesse exprime, dans ce poème, sa pensée pour son mari qui est loin d’elle ….]

Le poème en Pinyin

hóng ǒu xiāng cán yù diàn qiū,
qīng jiě luó shāng, dú shàng lán zhōu,
yún zhōng shéi jì jǐn shū lái,
yàn zì huí shí, yuè mǎn xī lóu.

huā zì piāo líng shuǐ zì liú,
yì zhǒng xiāng sī, liǎng chù xián chóu,
cǐ qíng wú jì kě xiāo chú,
cái xià méi tóu, què shàng xīn tóu.

La traduction mot-à-mot

Rouge – lotus – parfum – faner ; épuiser – jade – natte en paille ou bambou – automne,
Légèrement – déboutonner ; déshabiller – soie – vêtement,
Seul – monter – orchidée – bateau,
Nuage – dans – qui – envoyer – élégant ; splendide – lettre – venir,
Oie sauvage – caractère – retourner – moment,
Lune – plein ; remplir – ouest – pavillon.

Fleur – soi-même – flotter – zéro ; solitaire – eau – soi-même – couler,
Un,e – genre – mutuel ; réciproque – pensée,
Deux – endroits – oisif,ve – souci ; mélancolie,
Ceci – émotion ; sentiment – sans – moyen ; stratégie – pouvoir – disparaître – éliminer,
A peine – descendre – sourcil – bout,
Mais – monter – cœur – bout.


P.S. Comme d’habitude, ma traduction n'est qu'une tentative, puisque un poème classique chinois est rempli d’énigmes et que chacun comprend de sa façon.

Les fleurs de lotus fanées, leur parfum épuisé,

La fraicheur de la natte annonce l’arrivée de l’automne,

Soulevant légèrement ma robe de soie,

Je monte tout seul dans la barque,

Est-ce que les nuages m’apporteraient une lettre envoyée de loin ?

Quand les oies sauvages retourneront en rang,

Nous allons admirer ensemble la lune pleine auprès du pavillon d’ouest.


Les flocons s’en vont, emportés par le courant,

Nous sommes séparés par la distance,

En partageant notre regret réciproque,

Comment puis-je éliminer ma pensée pour toi ?

Qui vient juste de partir de mes sourcils,

Mais occupe déjà mon cœur.


***************************
Fcharton a donné une très belle et bonne traduction pour la seconde strophe :

花自飘零水自流。
一种相思,两处闲愁。
此情无计可消除,
才下眉头,却上心头。

Les pétales s’envolent, les froides eaux s’écoulent,
Unis par la pensée, en deux lieux séparés,
Cette douleur jamais ne pourra s’effacer,
Tombant de mes sourcils, qui pèse sur mon cœur.

Traduction de Florent:


L’odeur des racines de lotus rouges pénètre la natte de bambou et l’oreiller de jade.
Subtilement je dénoue ma jupe de soie ; seule sur le bateau orchidée.
Dans les brumes, qui a envoyé ces étoffes et ces livres ?
Quand les oies sauvages reviendront, la lune sera pleine au pavillon de l’ouest.

Les fleurs se fanent ; l’eau s’écoule
Un seul ardent désir de l’autre, mais deux endroits de remords solitaires
Certaines émotions ne sont pas contrôlables, elles restent, inextinguibles,
Sous les sourcils et sur le coeur


vendredi 6 avril 2012

Décalage de mentalité: enfant

Aujourd'hui ma mère m'a tenu au courant d'une catastrophe qui s'est passée il y a deux jours, le jour de "清明节" (Qingming jie: l'équivalent chinois des Toussaints): un accident de bateau touristique s'est passé au lac Taihu (province Jiangsu) qui a causé 4 morts (tous étudiants dans des universités shanghaïennes prestigieuses), dont une fille de ma ville. Toute ma petite ville est en train de parler de cet évènement notamment parce que le père de la fille est directeur du bureau de l'éducation (教育局局长) de la ville, donc un haut fonctionnaire. Le père est une connaissance de ma famille: ancien élève de mon père et ami de mon beau-frère.

Nos condoléances... pour la jeune fille qui a quitté le monde trop tôt et pour les parents qui perdent leur seul enfant (l'enfant unique...)

Ce qui me marque est aussi le raisonnement de ma mère que j'ai vraiment du mal à comprendre. Pour prouver que c'est catastrophique et c'est "très dommage", elle devait sortir des arguments comme: la fille est très intelligente; elle est jolie; c'est une étudiante d'une université prestigieuse; elle a plus de 20 ans et ses parents se sont sacrifiés et ont beaucoup donné pour elle depuis 20 ans.

J'ai dû lui répéter plus de trois fois que peu importe que la fille soit intelligente, jolie, brillante (on s'en fiche!), et que les parents l'ont élevée pendant 20ans ou 10ans, c'est extrêmement triste de perdre son enfant tout court.

Malgré la répétition de ma position, je ne pense pas que cela parle à ma mère: elle reste dans son raisonnement, et moi dans le mien. Voici un décalage.

De la logique de ma mère j'ai interprété quelque chose de bien chinois dans la mentalité traditionnelle vis-à-vis de l'élevage d'un enfant: C'est un sacrifice avec l'attente de la récompense; à chacun son tour de se sacrifier et de donner. Pourquoi il faut souligner à maintes reprises qu'il s'agit d'une enfant "intelligente, jolie, brillante" que les parents ont élevées depuis 20 ans? 20ans de sacrifice de la part des parents avec la "haute qualité" de l'enfant, le moment d'une bonne récompense n'était plus loin....

Quand ma mère essaye de me convaincre qu'il faut avoir un enfant, l'argument est unique chaque fois: Sinon, quand tu seras vieille, qui va s'occuper de toi? En chinois il y a l'expression "养儿防老 (élever un enfant pour prévoir le vieillissement) qui résume la mentalité et est considérée comme la vérité depuis des siècles et des siècles. Je ne suis pas critique de cette position: tout est relatif et a deux côtés. Une dépendance réciproque est en quelque sorte sécurisante (ou au contre, à certains moments...), si tous les enfants s'occupent vraiment de leurs parents quand ceux-ci sont vieux...

Je n'ai pas tiré cette conclusion uniquement de cette anecdote: celle-ci m'initie à communiquer une pensée que j'ai depuis longtemps.

jeudi 5 avril 2012

Série Souvenirs: ma classe à l'école primaire


Il y a a peu près 25ans....
Je suis celle qui tient le drapeau. 
C'était au printemps, la saison de rhododendrons sauvages 
dont les filles tenaient un bouquet dans la main.
Parmi les trois prof, la dame à gauche c'est ma mère
Pour le jeune homme et la dame à droite,
j'ai raconté leur histoire dans mon récit
"Mon école primaire":
Le jeune homme est celui qui s'est mis à la calligraphie;
la dame était ma prof de mathématiques,
qui nous a quittés à cause d'un accident dans la montagne...

dimanche 26 février 2012

Série Souvenirs: Manger au restaurant = trinquer et boire

Deux témoignages parmi beaucoup d'autres, hiver 2005-2006


31/12/2005

Ce soir, j’ai mangé au restaurant à l’invitation d’une personne qui est un bon ami de ma soeur et à la fois un ancien collègue de ma mère, que je connais bien aussi.

Il y avait encore plusieurs personnes, comme d’habitude, que je ne connaissais pas. C’étaient d’autres connaissances de la personne qui invite. Les plats étaient bons, au moins pour moi qui venais d'y retourner, après un an de vie d'une étudiante à l'étranger.

Mais on ne se laissait point le temps pour goûter les plats. Il faut toujours trinquer (敬酒 : Jinjiu) tour à tour à chacun de la table, même plusieurs fois, du début à la fin du repas. Si quelqu’un me le fait, quelques instants après je dois le lui faire de ma part. Je trouvais tout ça trop superflu. Je n’avais pas du tout envie de faire ainsi.

Tout le monde a trinqué avec moi en disant des formules de voeux. Ma mère avait l’air mécontente parce que j'étais trop impolie. Donc je me suis forcée à jouer le jeu. J’aimerais que toute la table trinque d’un seul coup pour la rencontre et qu’on puisse ensuite discuter un peu.

Je vais essayer d’éviter d’aller manger au restaurant si on passe tout le temps à trinquer.

3/1/2006

Hier soir, j’étais encore une fois au restaurant, à table avec ma soeur, un de ses amis et plusieurs autres que je ne connaissais pas (quand on mange au restaurant il faut chercher à remplir la table). J’y suis allée car ma soeur avait voulu discuter avec moi après une telle longue séparation.

Les gens qui viennent de l’étranger sont respectés ; les gens en doctorat aussi. Je possède à la fois ces deux titres, donc je suis devenue tout d’un coup respectée par tout le monde.

Tous à table étaient fonctionnaires, plus ou moins hauts, mais ils étaient sincèrement modestes devant moi et on commençait par moi pour trinquer. On a dit plusieurs fois d’être enchanté de me rencontrer.

J’ai été arrosée de plusieurs verres de vin, perdant un peu ma tête comme d’habitude. On m’a encore imposé quelques cigarettes, que je me sentais gênée d'allumer devant les gens.

Un photographe m’a fait admirer ses oeuvres et m’en a offert quelques unes.

Après le repas, le karaoké habituel.

Je suis rentrée à la maison à 11 heures, après les appels de ma mère de toutes les trois minutes. A mon âge, c’est étonnant que je subisse encore un tel contrôle parental. Je pense que pour les parents, c'est mal vu d'être dehors tard le soir; chaque minute retardée signifie du malsain. Heureusement que je ne sois pas couverte de cette surveillance et protection pendant longtemps !

Finalement, ma soeur et moi, on n’a pu échanger aucun dialogue confidentiel : on était nombreux ; on a passé tout le temps à trinquer à table et puis au karaoké où on ne s'entendait pas si on parlait. La prochaine fois quand elle proposera de sortir pour qu'on bavarde entre deux soeurs, j'y croirais moins.

Un petit témoignage d'un regard français moins critique que le mien:
«Les dégustations se font au milieu du repas, chacun se sert n’importe comment. Et on termine cul sec au baijiu, l’alcool de riz. Ce n’est vraiment pas notre culture, mais c’est toujours très chaleureux.» (http://www.liberation.fr/societe/01012393330-bordelaisivres-de-chine)

lundi 20 février 2012

Série Communication franco-chinoise: "Comment je dois appeler ta mère?"


Scène 1 :
(Entre un couple franco-chinois)
Ch : Comment devrai-je appeler ta mère ?
Fr : Catherine.
Ch : Euh…. appeler ta mère par son prénom, j’espère y arriver…

Fr : Et moi, comment devrai-je appeler ta mère ?
Ch : Ayi (tante).
Fr : Quoi ?! Mais elle n’est pas ma tante…

Je vous rappelle que si le jeune homme a l’idée d’appeler sa future belle-mère chinoise par son prénom, la conséquence pourrait être grave, car c’est hors de son « champ de réaction » - ça ne se fait absolument pas en Chine ! En revanche, si la fille appelle sa future belle-mère française par « tante », celle-ci se demanderait s'il est arrivé quelque chose à la fille.

Après le mariage, en Chine la belle-fille ou le beau-fils doivent appeler les membres de sa belle-famille exactement comme son conjoint ou sa conjointe, par exemple, appeler sa belle-mère « maman » et son beau-père « papa ». En France, continuer de les appeler par leur prénom est tout à fait normal. Il y a des belles-filles chinoises qui n’y arrivent pas, mais si elles les appellent « maman » et « papa », les beaux-pères ne seraient pas à l’aise. Résultat : elles évitent de les appeler tant que c’est possible. Un exemple plutôt radical : une belle-fille chinoise voudrait parler à son beau-père par téléphone, mais c’est la belle-mère qui rapproche. La jeune femme a dit : Euh…. Est-ce que je peux parler à ton mari ?

En Chine, sauf dans les occasions professionnelles et dites occidentalisées, on aime le système d’appellation familial. Quand je m’adresse à une petite fille, je l’appelle « xiaomeimei / petite soeurette » ; quand je m’adresse à un homme de la génération de mon père, je l’appelle « shushu / oncle », et « ayi / tante » pour une femme ; quand je m’adresse à une vieille mamy, je l’appellerai « nainai / grand-mère ». Alors que tout ces gens, je ne les connais point.

Si on copie le même système en Europe, en traduisant les mots dans la langue convenue bien-sûr, cela causerait une incompréhension totale chez les interlocuteurs. Si, dans les rues à Paris, pour demander le chemin, je dis : « Bonjour oncle ! Est-ce que Rue Mouffetard est loin d’ici ? » Vous pouvez facilement imaginer la réaction de monsieur l’oncle inconnu.

Une des mes élèves, quand elle voyagea en Chine, un petit garçon l’a saluée « Hello sister ! » Elle était surprise mais a bien aimé ; elle m’a demandé si elle aurait dû répondre par « Hello brother ! » au lieu d’un simple « Hello ! ». Le fait qu’elle m’a posé cette question prouve une appréciable ouverture d’esprit et un sens d’adaptation chez elle. Et puis, on éprouve naturellement  de la sympathie et de la tolérance vis-à-vis des enfants.

Cet ennui ne concerne pas seulement la belle-famille ou les inconnus. Entre les collègues, par exemple. En Chine, il n’est pas dans les normes d’appeler un ou une collègue plus âgé(e) que moi par son prénom, même si on est proche ; il faut l’appelle « X + profession ou titre » (X désigne le nom de famille de la personne). Pour deux collègues enseignantes, l’une de 30 ans, l’autre de 45 ou 50 ans, la jeune appelle l’autre « X Laoshi / Professeur X », même si elles s’entendent très bien, mangent tous les jours ensemble et vont faire du shopping ensemble.

Dans l’établissement où j’enseigne, j’appelle la collègue française par son prénom, à la française ; j’appelle mon collègue chinois plus jeune que moi par son "nom + prénom", là il n’y a pas de problème ; j’appelle mes collègues chinoises plus âgées que moi par « X Laoshi » et elles m’appellent par mon "nom + prénom", à la chinoise. Mais une des collègues chinoises senior, avec le souci de « réciprocité française », me renvoient l’appellation « SHU Laoshi », et là ça me gêne car ce n’est pas la coutume chinoise, ni même la coutume française.

Quand j’étais à Lyon, j’ai eu ce problème d’appellation vis-à-vis de deux professeurs, un homme et une femme, tous les deux de l’âge senior. Avec la dame professeur, bien-sûr je l’appelais « Madame X ». Et puis, on a participé à une colloque ensemble. Elle voudrait peut-être qu’on devienne moins distantes, donc un jour elle m’a tutoyée et, bien-sûr, m’appela par mon prénom. Il m’était difficile de tutoyer un professeur (on en parlera plus tard) et m’était impossible de l’appeler par son prénom « Chantal ». Si, par un grand courage, j’avais réussi à la tutoyer, il aurait tout à fait ridicule de la tutoyer et en même temps de l’appeler toujours « Madame X ». J’étais dans l’embarras. Puisque j’avais échoué et continuai de l’appeler « Madame X », elle considérait sans doute que je préférais garder la distance (alors que la distance, je ne l’aime jamais !), donc elle était revenue au « vouvoiement ».

Avec l’autre professeur, puisque l’on a gardé le contact depuis toutes ces années, qu’on est devenus bien proches et que je le considère comme mon oncle français, j’ai fini par y arriver. Mais il y a eu la phase d’embarras : avec l’évolution relationnelle, je n’avais plus le droit de l’appeler « Monsieur X » ; je me suis donc obligée à sortir le « tu » et son prénom. Il a dit que j’avais mieux réussi qu’une autre Chinoise qui était sa filleule. Elle a réussi à le tutoyer mais n’arrivait pas à l’appeler par son prénom. Même pour le tutoiement, ça a pris beaucoup de temps : il pouvait ressentir que le mot roulait entre les dents de la fille mais ne sortait pas.

En Chine, on appelle moins souvent quelqu’un par prénom qu’en France. Je me rappelle ce qu’a dit un ami français, un peu plaintif : « On a un prénom mais ne s’en sert pas ». Entre les camarades, les collègues ou les amis, il est très courant de s’appeler par leur nom complet, c’est-à-dire « nom + prénom », et cela ne marque aucune distance ni froideur. Récemment, une fille qui enseigne le français en Chine – nous venons de la même région ; nous avons été camarades à l’université et pendant 4 ans nous avons partagé la chambre ; ensuite nous sommes devenues collègues et nous avons continué à partager la chambre jusqu’à son mariage. Tout ça pour dire qu’on est très proche et on a le même âge – m’a écrit. Dans le premier mél elle m’appela par mon prénom ; dans le suivant elle m’appela par mon nom « Shu » et s’en réjouissait, disant : « Bon, désormais je t’appelle comme ça. Si je t’appelle par ton prénom je suis gênée, car je sais qu’il n’y a que ta famille qui t’appelle comme ça ». Ceci est un exemple pour prouver le degré d’intimité exprimé par l’usage du prénom.

Parmi mes amies chinoises en France, celles qui se sont francisées plus que d’autres m’appellent par mon prénom, à la française ; d’autres m’appellent à la chinoise, donc « nom + prénom ». Parfois on ne fait ni l’un ni l’autre : on invente une autre appellation similaire, comme « Xiaoying » ou « Aying »au lieu de « Changying », peut-être pour ne contrevenir aucune de deux normes.


J'ajoute un exemple tout frais (venant des échanges de mél que je viens d'effectuer). Une jeune collègue m'appelle chaque fois "SHU Laoshi (professeur SHU)" et je n'aime pas trop ça. Je viens de lui écrire: Ne m'appelle pas "SHU Laoshi", sinon je serais obligée de t'appeler "LIU Laoshi". Sa réponse: Ok, SHU Jiejie (grande soeur SHU). Bon j'abandonne l'idée qu'elle puisse tout simplement m'appeler par mon nom. Accessoirement, ça me rappelle que je ne suis plus si jeune que ça... :-(

Cette prudence ne concerne pas uniquement le prénom, mais plus généralement le nom complet. Il est difficile pour les Chinois de dire le nom d’une personne âgée ou de haute position ; ils se sentent obligés de dire « X titre / profession ». Pour moi qui me considère en partie francisée, il m’est extrêmement rare de parler d’une personne « senior » en disant son nom sans le précéder de « professeur » ou « monsieur / madame ». Une ou deux fois où j’étais presque obligée de le faire, je tremblais presque, mais les autres ne pouvaient l’apercevoir.


Quand, à la télé, le président du pays est interviewé et que l'intervieweur l'appelle tout simplement "Nicolas Sarkozy", ça me fait toujours bizarre, mais depuis 7 ans et demi (depuis que je suis France), à force de l'habitude le choc est de plus en plus modéré.

Je me souviens. Quand j’étais enfant, c’était une insulte si un enfant disait le nom de mes parents, car c’était très impoli et agaçant. Il y avait un méchant garçon qui, quand il me voyait passer, disait le nom de mon père. J’étais très fâchée et humiliée (puisqu’il « humiliait » mon père bien aimé). Comment fis-je pour me venger? Tout simplement je disais le nom de son père, à voix basse car j'avais très peur. Il fut furieux et courut vers moi comme un chien enragé... J'ai heureusement survécu à cet incident.

Pourquoi le fait de dire le nom du père de quelqu’un est-il si agressif ? Pourquoi c’est un manque absolu de politesse, voire même une antipathie (il semble que pendant la Révolution Culturelle, les jeunes « gardes rouges » pouvaient appeler les accusés, quel que soit leur âge, par leur nom puisqu’ils ne leur devaient pas de respect et qu’ils voulaient surtout le faire savoir), si on appelle une personne âgée par son nom mais pas par son titre?

Je pense à une explication mais cela n’explique peut-être pas tout. La Chine est une nation très ancrée par le confucianisme ; le confucianisme reconnaît le titre et la place d’une personne dans le réseau social et familial, mais pas sa propre personne. D’où la norme d’appeler une personne par son titre ; sinon, c’est comme si la personne n’a pas de titre et donc n’est plus rien ? On doit positionner une personne, soit par son "titre (brillant ou pas)", soit par "grand-père/oncle/...". C'est une question de positionnement.


Discussion à poursuivre!

dimanche 19 février 2012

Série Communication franco-chinoise: "ça va?"

« Ça va ? »

Les Chinois, sauf ceux qui se sont plus ou moins occidentalisés et ont certaines connaissances sur les mœurs occidentales, ne disent pas « ça va 你好吗/你怎么样 ? » quand ils revoient quelqu’un qu’ils connaissent. Cela dit, je suis en France depuis 8 ans et me considèrent « bien francisée » mais je ne dis que très rarement « ça va ? ». ça veut dire que c’est quelque chose que je ne me suis pas appropriée. Ça veut encore dire que c’est quelque chose que je n’ai pas accepté, même si c’est une petite phrase très facile à dire. Cela est moins « facile » si on y attribue des représentations et de la « valeur ».

Scène 1 :
Ch : j’ai vu X hier.
Fr : ah bon, comment il/elle va ?
Ch : euh…., je ne sais pas, j’ai pas demandé ça.

Les Chinois peuvent le dire, mais dans ce cas, c’est une vraie question et on attend une vraie réponse. Cela implique que les deux personnes ont le temps d’aborder le « sujet », de raconter un peu sa vie et d’y réagir. Si la personne qui répond à cette « question » raconte ses soucis et ses aventures, la personne qui a posé la question est volontaire et disponible pour écouter et puis donner des commentaires, des conseils, aider à trouver des solutions.

Scène 2 :
Fr : ça va ? ça se passe bien ?
Ch : (je raconte un peu ce qui m’est arrivé récemment)
Fr : (Elle raconte sa vie au lieu de répondre à ma « salutation ») Ah bon ! Sinon ça va ?
Ch : (j’ai déjà beaucoup raconté… bon je continue.)
Fr : Ah bon ! Sinon ça va ? Ça se passe bien ?
Ch : (….) (Bon allez, on va faire simple, sinon demain matin on est encore là) Oui ça va, merci, et toi ?
Fr : (ben voilà !) Oui ça va, merci.
[Enfin, le petit rituel est achevé]

Je raconte une autre expérience dans laquelle j’ai salué deux personnes (une Française et une Grecque) à la chinoise, emportée par mon instinct et la spontanéité. Les interlocutrices étaient tellement stupéfaites qu’elles étaient incapables de réagir : c’était hors de leur champ de réaction. Mon amie a même explicité sa perplexité (voir la fin de la scène 4).

Scène 3 :
[C’était un mois d’août. Je traversai le jardin de l’ENS de Lyon et vis mon amie grecque avec son amie française. Surprise de voir une Française qui ne rentrai pas chez elle pour un mois d’août…]
Moi : Tu es encore là ?
Elles : (me regarder….)
Moi : Tu es encore là ? Tu n’es pas rentrée chez toi?
Elles : (me regarder…)
Après quelques secondes de silence,
L’amie grecque : Mais, tu commences comme ça ?

Alors qu’entre les Chinois, c’est assez normal d’aborder quelqu’un par quelque chose qui ne ressemble pas vraiment à une « salutation » aux yeux des Français. Les Chinois, surtout quand la relation est proche, peuvent commencer la conversation directement et brusquement par un sujet précis. Dans ce cas, la personne en face a parfois besoin d’un petit instant pour réagir puisque le « rituel d’ouverture » est épargné.

Les Chinois n’ont pas l’habitude de demander un « ça va ? » par un souci de « valeur » : c’est un énoncé vide de sens. Si la rencontre est hâtive et on n’est pas prêts pour discuter tranquillement, un « ça va ? » ne permet aucune communication. Si deux personnes peuvent prendre leur temps et avoir des échanges, les détails qu’ils se racontent valent cent fois plus que « - ça va ? – oui ça va. » Donc dans aucun des cas le « ça va ? » n’est utile.

Je trouve aussi qu’il est parfois difficile de répondre à « ça va ? » ou « Il/elle va bien ? » car ce n’est pas la question de « soit oui soit non », « soit blanc soit noir » : c’est souvent un « entre-deux ».

Scène 4 :
[Je termine une conversation par chat avec ma mère.]
Fr : elle va bien ?
Moi : …. (Impossible pour répondre à une telle question car ma mère m’a raconté pas mal de choses, dont certaines sont positives, certaines sont négatives, d’autres sont neutres)

Vous vous promenez ?

Si les Chinois trouvent le « ça va ? » des Français utile à rien, leur salutation ne sont peut-être pas mieux. Le « As-tu mangé » est devenu un cliché connu par beaucoup d’étrangers qui connaissent un peu les Chinois, mais on ne le dit qu’autour des moments des repas seulement. Alors, à la place de « ça va ? », que dit-on pour une salutation rituelle ?

Quand on rencontre quelqu’un en train de se promener (en Chine c’est souvent après le dîner le moment de promenade digestive), on lui demande : « Vous vous promenez ? 散步啊?» ; quand on voit que la personne est en train de faire des courses, on lui demande : « Vous faites des courses ? 买菜啊?» ; quand la personne est en train de laver sa voiture, on lui demande : « Vous lavez votre voiture ? 洗车啊?» ; quand on voit la personne arriver, on lui dit : « Vous êtes arrivé ? 您来啦?» ; etc. L’autre répond : « oui, on se promène » ; « oui, je fais des courses » ; etc.

Ça arrive qu’on se trompe, comme : « Vous vous promenez ? » « Ah non, je vais chercher mon enfant. »

Entre les Chinois, ce genre de rituels inutiles, que ce soit « ça va ? » ou « vous vous promenez ? », peut être épargné si la relation est suffisamment proche. Dans ce cas, les deux personnes peuvent entrer directement dans le sujet. Quand j’étais en Chine et quand une amie m’appelait, c’était souvent : « Allô ! Je te demande quelque chose… ». Il semble qu’en France, c’est moins bien vu si on s’en passe. Encore une fois, c’est hors du « champ de réaction ».