vendredi 28 décembre 2012

Interculturel: Chrysanthèmes 菊花


En regardant les tableaux au musée d'Orsay, j'ai eu bien envie de peindre, dont le résultat fut ce pot de chrysanthèmes. Mais il est rare qu'ils soient peints en Occident. Cette fleur, on la trouve peut-être dans des boutiques spécialisées en objets funéraires. Les chrysanthèmes n'ont pas de chance en Occident car ils sont destinés aux défunts alors qu'en Chine c'est une fleur qu'on aime bien; ils symbolisent la longévité même, donc on les offre souvent aux personnes âgées (bien vivantes!). 

[Note: le chrysanthème est un des quatre "princes (plantes dignes)", parmi l'orchidée 兰 est le symbole du printemps; le bambou 竹 est le symbole de l'été; le chrysanthème 菊 est le symbole de l'automne; le prunier en fleurs 梅 est le symbole de l'hiver.]

Mais avec la mondialisation et le métissage culturel, de plus en plus de Chinois, dont moi-même, connaissent le "triste" sort des chrysanthèmes en Occident. Du coup, ils n'osent plus les offrir. Le jour où une grande partie de Chinois seront au courant de cela, il ne serait plus possible d'admirer, avec joie, cette fleur qui s'épanouit en automne et donne de grands flocons éclatants....

En Chine, admirer les chrysanthèmes est une des activités plaisantes en saison d'automne. En automne et en hiver la nature se décline pour revivre à l'arrivée du printemps, donc les rares fleurs sont précieuses et favorites. Pour revenir à son symbole de longévité, il est dans les coutumes de voir des chrysanthèmes à la fête de 重阳节 (Chong Yang Jie, le 9 septembre du calendrier lunaire / agricole), qui est la "fête des personnes âgées". Dans le film "La Cité Interdite", à un moment le palais impérial était décoré par des milliers de pots de chrysanthèmes à l'occasion de cette fête.

C'est une des plantes populaires en Chine (et certains autres pays asiatiques) et "exotiques" en Occident, parmi les jasmins, les bambous, les orchidées, etc. La famille de chrysanthèmes contient des races, des couleurs et des tailles très variées alors qu'en France on voit plutôt, chez les fleuristes près des cimetières, des pots à petits flocons qui sont peut-être des marguerites (雏菊 Chu Ju, une des variétés des chrysanthèmes). Ces fleurs font partie des sujets préférés de la poésie et la peinture, notamment si la saison d'automne est représentée.

Pour conclure, j'emprunte cette phrase trouvée sur le web: Le fait d'associer une chose à une autre crée des associations qui en déforment la perception...

C'est aussi ce que je voulais dire! Cela déforme, et aussi bloque, la perception. Et c'est bien dommage. Ce que je veux dire dans le cas de chrysanthèmes, parce qu'on les associe aux tombes, on leur impose cette connotation, les bloque dans cette connotation. 






jeudi 20 décembre 2012

Série Poésie chinoise: 枫桥夜泊



Ceci est un des poèmes que j'aime beaucoup, du poète Zhang Ji de la dynastie Tang. 

Trois lieux cités: 
- 枫桥 Fengqiao: Pont d’Érable
- 姑苏 Gusu: l'ancien nom de la ville Suzhou 苏州
- 寒山寺 Hanshansi: Temple de Montagne Froide

Nous voyons que, notamment par le Pont d’Érable et le temple de Montagne Froide, que les noms de lieu font partie intégrale de la poésie, et de l'ambiance de ce poème. 

Je propose une traduction mot-à-mot :

月落/乌啼/霜满天
lune - tomber; se coucher - corbeau - crier; chanter - gelée blanche - plein - ciel
江枫/渔火/对愁眠
rivière - érable - pêche; pêcher - feu - face à - mélancolie - dormir
姑苏/城外/寒山寺
Gusu - ville - extérieur - temple de Montagne Froide
夜半/钟声/到客船
nuit - demi - cloche - arriver - bateaux (pour les passagers)

Comme ce que j'ai marqué avec les "/", les vers se lisent: 2 / 2 / 3 (le chiffre signifie le nombre de syllabes donc de caractères). Le lecteur peut faire une petite pause là où il y a un "/", en prolongeant la dernière voyelle à sa guise, pour mieux savourer la sonorité.

Je ne vais pas traduire le texte, puisque la compréhension de la poésie classique chinoise - courte et concise - est une interprétation personnelle et subjective. Il faut donc être prudent quand on veut imposer une "traduction". Je vais juste raconter, vers la fin, avec mes propres mots le paysage que j'imagine à travers ces quatre vers. La traduction m'est faible  aussi, si on en dépend pour saisir le sens et ressentir l'émotion. 

De surcroît, dans la traduction, la sonorité du texte source se perd entièrement, alors qu'elle est pour moi une partie très importante de la beauté de la poésie. Je pense que c'est en raison du lien entre un son et une image, par exemple, entre le son "yuè" et la lune. Dans la langue chinoise, il y a, d'une part, le lien entre le signe "月" et la lune, d'une autre part, le lien entre le son "yuè" et la lune. La source complète du message est: "月" - "yuè" - lune.

Un poème classique, souvent, peint un paysage, une ambiance, un sentiment, et c'est tout. Il y a rarement un "moral". Le poème situe l'homme dans la nature et interprète un lien entre l'homme et la nature. L'ambiance de ce poème est proche d'un autre: "秋思 (mélancolie d'automne)" dont j'ai parlé dans mon blog. Il y a dans ces deux poèmes un homme seul et loin des siens, un paysage froid et plutôt pesant qui traduit les sentiments de la personne. 

La lune se couche,
Les corbeaux crient (ou: le corbeau crie),
La gelée blanche tombe.
Je m'héberge dans la barque,
Sur la rivière sous le Pont d’Érable,
Cherchant le sommeil malgré la mélancolie et la solitude,
Avec quelques feux des pêcheurs, ici là-bas,
Qui me tiennent compagnie.
La cloche du temple de Montagne Froide sonne mi-nuit,
Un bateau, à ce moment, s'embarque.
(Il y a donc un autre homme qui, comme moi, 
Dans cette nuit froide,
Ne se trouve pas dans le lit de chez soi et auprès des siens?)

Je pense être en train de traduire une légère tristesse alors que le poète pourrait aussi savourer, secoué par le bateau, cet isolement, cette nuit fraîche, la clarté de lune, le son de la cloche, .... Qui sait?